VINCEN1UM CHEZ GRACIAN ET VICO
115
Ainsi Gracian parle-t-il de «ingenios que llegan a discurrir»54, estime que
«toda dificuldad solicita el discurso y es agradable pasto del ingenio»55,
et qu’un des concepts qui coùtent le plus à
Xingenio
consiste à «unir a
fuerza de discurso dos contraditorios extremos»56. La continuité entre
les notions de «discurso», « d ’entendimiento» et «d ’ingenio» établit donc
un rapport direct avec la raison. Du mème coup, des formules qui à pre­
mière vue pouvaient sembler contradictoires prennent sens. Lorsque
Gracian parie de «ingeniosa razón»57, ou de «ingeniosa ilación»58, il n’y
a pas contradiction. A chaque fois raison et
ingenium
doivent ètre com-
pris dans leur rapport, dans leur fécondité réciproque.
Aussi bien chez Vico que chez Gracian,
ingenium
et raison sont com-
plémentaires et non exclusifs l’un de l’un l’autre59. Cette idée est mani­
feste chez Vico et apparaìt en particulier dans sa conception de la to-
pique, qu’il définit comme «prima operazione della mente umana»60.
Pour Vico, la topique, qui est une des activités premières de
Xingenium,
par sa capacité de synthèse, son art de «in ciascheduna cosa di ritrovare
tutto quanto in quella è»61, participe ainsi avec la raison à la construc-
tion d ’un jugement complet («integro iudicio»62). Raison et
ingegno
ne
s’opposent donc pas mais sont complémentaires dans le processus de
connaissance63. On retrouve cette pensée dans
XAgudeza,
qui pourrait
ètre comparée à un immense système topique.
Entendimiento sin agudeza ni conceptos es sol sin luz, sin rayos, y cuan-
tos brillan en las celestes lumbreras son materiales con los del ingenio64.
Toda agudeza que participa de razonamiento y de discurso es mas inge­
niosa, porque es asunto de la mas noble acción del -animo65.
54
Ibid.,
Discurso XV, p. 432.
55
ibid.
, Discurso XX X IX , p. 642.
56
Ibid.,
Discurso VIII, p. 372.
57
Ibid.
, Discursos XV III, XX II, pp. 465,494.
58
Ibid.,
Discurso XXXV III, p. 638.
59 Cette idée de complémentarité entre
ingenium
et raison se trouve déjà exprimée chez An­
tonio Persio dans son
Trattato dell’ingegno dell’huomo,
a cura di L. Arrese, Pisa-Roma, 1999.
Pour Persio,
Xingenium
ne s’oppose pas à la raison, mais est une partie constitutive de l’esprit
permettant de comprendre les choses.
Ilingegno
précède la raison en permettant d ’appréhen-
der les choses. La raison peut alors agir et créer un jugement. Raison et
ingegno
sont donc mu-
tuellement nécessaires dans la construction d ’une connaissance et d’un jugement. Sur ce point,
voir l’étude de S. GENSINI,
Ingenium/ingegnofra Huarte, Persio e Vico.
.., cit., pp. 40 ss.
60
Sn44,
§ 496.
61
G. Vico,
Vita scritta da se medesimo,
in
Opere,
cit., voi.
I,
p.
17.
62
De rat.,
III.
6 ìSn44,
§498.
64
B.
G raciàN ,
Agudeza,
Discurso I, p. 314.
65
Ibid.,
Discurso XXV, p. 517.
1...,105,106,107,108,109,110,111,112,113,114 116,117,118,119,120,121,122,123,124,125,...305