L INGENIUM CHEZ GRACIAN ET VICO
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radoxe est fécond dans la mesure où en suscitant l’étonnement et le trouble
dans l’entendement, il est créateur de relations et de rapports nouveaux71.
De la desemejanza sacar al contrario la conformidad y semejanza es gran
obra del discurso; vàlese para esto el ingenio de alguna circunstancia espe-
cial para apoyo del concepto72.
Le paradoxe, la contradiction, la dissonance, sont ainsi autant de points
d’accroche, de risques permettant à la fois d ’affronter et de reconnaìtre la
nouveauté73.Mais ce qui caractérise à chaque fois cette nouveauté créée par
1’
ingenium,
et cela aussi bien chez Graciàn que chez Vico, c’est son harmo-
nie et sa beauté. La synthèse de 1
'ingenium
ne procède donc pas à l’aveugle
mais créé des proportions qui satisfont la sensibilité esthétique. Ce point
est ici à souligner dans la mesure où il montre que s’il était illégitime de ré-
duire les pensées de Vico et de Graciàn à de simples perspectives littéraires
et donc d’ignorer leur dimension épistémologique, il est de mème réduc-
teur de les limiter à cette demière vision. En réalité, ce qui fait la force de
ces pensées, c’est qu’elles mettent en relation ces diverses perspectives, sans
jamais en exclure une74. La vérité mise à jour par 1
’ingenium
n’est donc pas
neutre, mais belle, harmonieuse pour celui-là mème qui la met à jour75. Pour
exprimer une telle idée, Vico met en avant l’idée de «acconcezza», terme
difficile à traduire dans le contexte de la
Scienza nuova,
et qui exprime aus
si bien l’idée d’accord, d ’élégance que d’harmonie. «L ’acconcezza» signi-
fie aussi bien la nouveauté créée d’une vérité, que le contentement intel-
lectuel de celui qui en est à l’origine. Il en ressort une relation intellectuel-
le saturée, ne laissant aucune place au moindre doute et qui, d’une certai-
ne fagon, contente l’esprit aussi bien que l’évidence cartésienne. Cette re
lation entre le beau et le vrai est également visible chez Graciàn qui parie
de «primorosa concordanda» ou de «armònica correlación»76:
ja», pp. 338 et ss., pp. 413 et ss., pp. 496 et ss. Sur le ròle du paradoxe dans
VAgudeza,
ainsi
que pour une confrontation avec les
Institutiones oratoriae,
voir l’étude de F. ROMO,
La para-
doja en
Agudeza y arte de ingenio, in
Baltasar Graciàn. El discurso de la vida. Una nueva Vi
sion y lectura de su obra,
cit., pp. 87-97.
71 Sur le ròle du paradoxe chez Vico, voir les
Inst.,
§ 37, cit., pp. 294-297. Sur ce point,
voir les belles remarques de M. MOONEY,
Vico e la tradizione della retorica,
cit., pp. 208 ss.
72 B. GRACIAN,
Agudeza,
cit., Discurso XIII, p. 419.
73
lbid.,
Discurso XLV, p. 676: «;O h , cuànto es en los subitos casos el ingenio!».
74 C ’est du reste une telle votante synthétique chez Graciàn qui permet à Guillermo Se-
rès de parler, à propos de
l’agudeza,
de «verdad bella», à savoir cette vérité nouvelle «rein-
ventadada por el ingenio»: G . SERÈS,
El ingenio de liuarte y el de Graciàn. Fundamentos teó-
ricos,
in «Insula», 655-656 (2001), p. 52.
75 Cette idée est par exemple évidente dans les
Inst.,
§ 37, cit., pp. 292-293, 296-297.
76 B. GRACIÀN,
Agudeza,
Discurso II, p. 319.