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PIERRE GIRARD
No se contenta el ingenio con sola la verdad, corno el juicio, sino que as
pira a la hermosura77.
Du reste, cette question de la beauté et de son rapport avec celui qui
la fait apparaitre et l’apprécie, fait apparaìtre une dernière facette de
Yin
genium,
qui oppose cette fois-ci Graciàn à Vico. En effet, pour Graciàn,
qui s ’inscrit ici dans la tradition cicéronienne78, le rire, et plus générale-
ment le comique, peuvent ètre acceptés s ’ils peuvent aider le discours et
done participer à la constitution de la vérité. 11 y a une efficacité réelle
du rire qui implique d ’en tenir compte à la mesure de sa contribution à
la vérité, ce que montre Graciàn dans
YAgudeza:
«De la agudeza por pa-
ranomasia, retruécano y jugar del vocablo»79. Tout à l’inverse, Vico re-
jette le rire de la recherche de la vérité80. Il est au contraire pour lui signe
de décadence de l’esprit. Dans sa longue digression sur 1’
ingenium
qui
fait partie des
Vici vindiciae,
Vico montre que le rire naìt d ’un défaut
« d ’acconcezza». Là où l’esprit attendait accord et harmonie, il ne se trou
ve qu’en face d ’une relation fausse et absurde qui déclenche le rire. Là
où l’esprit attendait un sens précis qui puisse le contenter, il ne trouve
que déception et frustration. Rien de joyeux et de positif done dans le
rire, qui se réduit à une réaction corporelle devant une déception. Les
Institutiones oratoriae
développent une idée analogue en établissant une
distinction entre les «dieta arguta», c’est-à-dire des formules brillantes
et faciles, qui provoquent le rire et se réduisent à de simples ornements
rhétoriques, et les «dieta acuta» qui sont créateurs de vérité81. Pour Vi
co, les «dieta arguta» sont à proscrire car ils ne peuvent s’enseigner et ne
sont done porteurs d’aucune vérité sociale.
k k k
L’
ingenium,
par sa capacité synthétique permet ainsi aussi bien de cer
ner les rapports avec un monde complexe, que les relations intersubjec-
tives. L’
Agudeza
et les
Institutiones oratoriae
suivent en ce sens des pro
cessus analogues. Le but de
VAgudeza
consiste à tracer en pointillés une
topique des rapports possibles entre les hommes à travers la médiation
77
Ibid.,
p. 318.
78 Cfr. C
icero
,
De oratore,
II, 54.
79 B. G
raciàn
,
Agudeza,
Discurso XXX II, pp. 587-595.
80 Sur la question du rire chez Vico, voir les remarques récentes de N. PERULLO,
Bestie e
bestioni. Il problema dell’animale in Vico,
Napoli, 2002, pp. 45-79.
81
Inst.,
§ 37, cit., pp. 298 ss.